Issue
Matériaux & Techniques
Volume 104, Number 5, 2016
Interactions microorganismes-matériaux / Microorganisms-materials interactions
Article Number 505
Number of page(s) 7
Section Vieillissement et durabilité / Ageing and durability
DOI https://doi.org/10.1051/mattech/2016031
Published online 23 December 2016

© EDP Sciences, 2016

1 Introduction

La formation de microfissures dans les ouvrages en matériaux cimentaires permet l’entrée de composés agressifs au cœur du matériau et accélère leur vieillissement. Le colmatage des microfissures est actuellement réalisé`a l’aide de résines synthétiques. Toutefois, ces composés sont toxiques et polluants, et nécessitent un renouvellement régulier du traitement [1, 2, 3]; ce qui augmente le coût et l’impact environnemental générés par ces réparations. L’agent de réparation du futur pourrait être la calcite biogénérée, un matériau durable et naturel. En effet, certaines bactéries peuvent produire par biominéralisation des carbonates de calcium solides à partir de calcium dissous [4]. Réalisée dans les fissures, la biominéralisation peut offrir un mode de colmatage intéressant : la biocicatrisation [5, 6, 7].

Si la plupart des travaux visent à introduire les bactéries dans le matériau pour le rendre auto-réparant (autobiocicatrisation), il est aussi possible d’injecter les bactéries dans des fissures comme un agent de réparation (exobiocicatrisation). Assurer l’activité bactérienne dans les fissures des matériaux cimentaires reste cependant un défi important : ce sont des environnements hostiles et exposés aux agressions physiques, chimiques et biologiques du milieu extérieur. En outre, les cultures

bactériennes en milieu liquide ne permettent pas le maintien de l’ensemble bactéries-nutriments-eau dans les fissures. L’enjeu est donc de concevoir un milieu non conventionnel pouvant être injecté aisément dans des microfissures de plus de 150 μm, résistant à l’écoulement, et permettant aux bactéries de produire du carbonate de calcium en quantités suffisantes. Plusieurs méthodes d’immobilisation bactérienne ont été employées, telles que la mousse polyuréthane [8], des billes de verre [9] ou du sable [10, 11]. Toutefois, elles ne possèdent pas toutes les propriétés décrites précédemment. Le Silicagel [12, 13, 14] et l’Agar [15] sont des vecteurs prometteurs, mais leur gélification rapide rend leur mise en œuvre délicate.

Les épaississants colloïdaux naturels ont un fort potentiel pour la conception d’un milieu injectable pour l’exobiocicatrisation de microfissures. En effet, ils permettent d’immobiliser simplement les bactéries, sont faciles à préparer, non polluants et biocompatibles [16]. De plus, ces additifs sont pour certains fortement rhéofluidifiants et/ou thixotropes [17] ; leur viscosité peut donc être aisément contrôlée pour réaliser une injection efficace et limiter l’écoulement post-injection. Enfin, ces composés forment dans certains cas des structures protectrices autour des bactéries, procurant des avantages similaires à ceux d’un biofilm : protection contre la prédation par les protozoaires, résistance à la dessiccation, résistance au lessivage des bactéries et des nutriments [18].

Cette étude vise à caractériser les propriétés rhéologiques d’une suspension bactérienne comprenant deux épaississants colloïdaux, ainsi que son impact sur la bioprécipitation de carbonate de calcium par Bacillus pseudofirmus, dans l’optique de mettre en place une méthodologie de réparation de microfissures d’ouverture comprise entre 150 et 500 μm.

2 Matériel et Méthodes

2.1 Essais rhéologiques

Les suspensions étudiées sont caractérisées à l’aide d’un rhéomètre à cylindres coaxiaux (MCR302, Anton Parr) équipé d’un cylindre rotatif cannelé (modèle CC27). Pour les caractérisations simples, la contrainte de cisaillement est mesurée pour des taux de cisaillement décroissants de 100 s-1 à 0,1 s-1 après une pré-agitation à 100 s-1 durant 50 s. Pour caractériser la thixotropie, la contrainte de cisaillement est mesurée sous un cisaillement négligeable durant 10 min après une pré-agitation à 500 s-1 durant 10 s.

Les tests de gélation sont réalisés par ajout de 15 mL de suspension préalablement agitée dans un tube de 50 mL. Le tube est retourné au bout d’un temps donné. La suspension est gélifiée si le fluide ne s’écoule pas lors du retournement.

Les essais sont réalisés avec le milieu mis au point par Ducasse-Lapeyrusse (2014) [21] contenant 75 g.L-1 de L-lactate de calcium hydraté (Sigma-Aldrich), 47 g.L-1 de nitrate de calcium tétrahydraté et 3 g.L-1 d’extrait de levure (Difco), modifié par addition de 20 g.L-1 de D-gluconate de calcium (Sigma-Aldrich). Il est épaissi à l’aide d’un biopolymère A et d’une argile B par dispersion à froid des poudres dans le milieu. Les concentrations de A et B sont égales respectivement à 0,4 % pour A et 6 % pour B (pourcentage massique d’épaississant par rapport à la masse totale des constituants du milieu). Le pH initial du milieu épaissi est de 6,1 contre 6,5 pour le milieu non épaissi. Les suspensions contenant uniquement A ou B ont également été testées pour comparer leur rhéologie à celle du mélange.

Un fluide Newtonien se définit par une viscosité constante, un fluide rhéofluidifiant a une viscosité réduite lorsqu’il est soumis à un cisaillement, et un fluide thixotrope devient progressivement moins visqueux lorsqu’il est soumis à un cisaillement, de manière réversible une fois au repos.

2.2 Essais d’injection

Les essais d’injection sont réalisés sur des éprouvettes de mortier fissurées, préparées selon la procédure décrite par Ducasse-Lapeyrusse et al. [19] : les mortiers utilisés pour ces essais ont été préparés d’après la norme ASTM C109M, avec un ratio eau/ciment de 0,485 et un ratio sable/ciment de 2,75, en utilisant du sable normalisé d’Ottawa et un ciment Portland ordinaire (GU) canadien ayant une finesse Blaine de 381 m3.kg-1. Les mortiers ont ensuite été curés pendant 28 jours à 23 °C et à 100 % RH. Des fissures réalistes d’ouverture comprise entre 150 et 500 μm sont réalisées par forçage d’un cœur expansif dans l’éprouvette selon la procédure décrite par Gagné et Argouges (2012) [20], puis sont carbonatées pendant un mois à 20 °C, à 4 % de CO2 et 40 % HR, afin de simuler le vieillissement naturel des fissures, réduire leur pH et supprimer le biais lié`a la formation d’une couche d’autocicatrisation naturelle. L’ouverture des fissures est mesurée à l’aide d’un vidéomicroscope en 24 points répartis sur les faces inférieure et supérieure de l’éprouvette. Les essais d’injection sont réalisés par injection de 10 mL de suspension à l’aide d’une seringue de 20 mL, au moyen d’un sabot d’injection spécialement adapté, les bords de la fissure étant colmatés à l’aide d’adhésif pour éviter les fuites (Fig. 1).

thumbnail Fig. 1.

De gauche à droite – Vue en coupe du dispositif d’injection placé sur une éprouvette de mortier ; vue de la partie supérieure ; éprouvette fissurée après injection d’une solution colorée.

From left to right – cross-sectional view of the injection device setup on a mortar sample; upper side view; cracked mortar sample after injection of a coloured solution.

La suspension est injectée progressivement dans la microfissure, le dispositif d’injection est ensuite retiré et l’excédent est arasé. La suspension est trop épaisse si l’injection ne permet pas un remplissage total de la fissure ou impose une trop forte pression, et trop fluide si un drainage du fluide de la fissure est constaté après injection. Le Methocel J 20 MS, épaississant stable et aisé`a préparer, est utilisé comme référence. L’efficacité de l’injection est estimée en ajoutant 1 g.L-1 de bleu de méthylène dans la suspension, afin de visualiser les zones recouvertes par le milieu. Après 48 h de séchage à température ambiante, la fissure est ouverte pour observer les deux faces intérieures de la fissure.

Afin d’observer de façon plus précise le comportement de la suspension dans une fissure, une fissure de 400 μm d’ouverture est simulée en maintenant deux cubes de mortier de 5 cm de côté séparés par deux lames d’inox. L’injection est réalisée de la même manière que pour une fissure réelle. Après 48 h de séchage à température ambiante, 60 mL d’eau sont injectés, puis après 48 h de séchage à température ambiante, les deux cubes sont séparés à température ambiante pour observer l’intérieur de la fissure simulée.

2.3 Essais de croissance bactérienne

Les bactéries (Bacillus pseudofirmus, DSMZ) sont pré-cultivées durant 40 h dans un milieu contenant 8 g.L-1 de bouillon nutritif (Nutrient Broth, Difco) et 11,8 g.L-1 de nitrate de calcium tétrahydraté (Sigma-Aldrich) à 30 °C et placé sur une table rotative à 150 rpm. Le pH initial du milieu de pré-culture est de 7,6.

Les essais de biominéralisation sont réalisés en triplicat dans le milieu de culture décrit précédemment dans la Section 2.1, inoculé avec 100 μ L de préculture dans des erlenmeyers de 250 mL contenant 100 mL de milieu et mis en culture à 20 °C sur une table rotative à 150 rpm. Le milieu de culture est stérilisé par filtration sous vide à 0,2 μm.

Les essais en milieu épaissi sont réalisés à 20 °C dans du milieu contenant les deux épaississants A et B aux concentrations de 0,4 % et 6 % respectivement. Les épaississants sont stérilisés par autoclave et dispersés à froid dans le milieu.

La croissance cellulaire est suivie par comptage direct de neuf champs d’observation à l’aide d’un microscope à´epifluorescence (Leica DMLP) après coloration de la suspension bactérienne par un fluorochrome (acridine orange). Les concentrations en lactate et en gluconate sont déterminées par dosage du lactate par chromatographie ionique (DIONEX ICS-3000). En fin d’essai, la culture est centrifugée à 8000 rpm durant 20 min à 4 °C. Le culot est ensuite rincé avec 20 mL d’eau milli-Q pour 50 mL de culture (deux rinçages pour les milieux épaissis) et séché`a 40 °C durant 48 h pour déterminer la teneur en matière sèche de la culture. La quantité de carbonate de calcium formé est quantifiée par analyse thermogravimétrique (ATG, NETZCH STA449F3).

thumbnail Fig. 2.

Rhéogrammes des suspensions contenant les épaississants A et B individuellement et en mélange.

Rheograms of suspensions containing thickeners A and B, separately and mixed.

3 Résultats

3.1 Caractérisation rhéologique des suspensions épaissies

Une caractérisation des suspensions contenant un seul épaississant a été dans un premier temps réalisée. Les suspensions contenant les épaississants A (0,4 %) ou B (6 %) sont fortement rhéofluidifiantes, mais présentent toutefois des comportements rhéologiques différents (Fig. 2):

  • L’épaississant A a un pouvoir épaississant fortement supérieur à l’épaississant B : à 100 s-1, une suspension à 0,4 % de A a une viscosité de 7,7 × 10-2 Pa contre 4,0 × 10-2 Pa pour une suspension à 6 % de B;

  • L’épaississant B est plus rhéofluidifiant, propriété recherchée pour le contrôle de la viscosité : pour les mêmes concentrations que précédemment, à faible cisaillement (0,1 s-1) la suspension B est plus épaisse (12,9 Pa.s contre 5,9 Pa.s pour la suspension A);

  • L’épaississant B est thixotrope, conservant temporairement une viscosité réduite après avoir été soumis à un cisaillement, propriété absente pour A dont la viscosité est stable dans le temps à cisaillement constant;

  • Les suspensions B décantent en quelques heures, tandis que les suspensions A sont stables et sont toujours homogènes au bout de 10 jours de repos.

Suite à ces essais, une suspension utilisant les deux épaississants A et B en mélange a été testée, afin d’exploiter les synergies existant entre eux. Ces synergies permettent de mettre au point une suspension dotée des propriétés rhéologiques recherchées pour cette étude : stabilité, pouvoir épaississant, caractère rhéofluidifiant et caractère thixotrope.

La suspension épaissie à l’aide des épaississants A et B (à la concentration de 0,4 % et 6 % respectivement) forme un fluide épais homogène, qui ne montre aucune ségrégation ou décantation après 10 jours de repos. Séchée à l’air libre, la suspension forme un film solide, qui ne se dissout pas au mouillage mais devient souple. Les autres constituants du milieu n’ont pas d’impact direct sur ses propriétés rhéologiques. Caractérisée au rhéomètre, la suspension épaissie montre un fort comportement rhéofluidifiant et thixotropique ainsi qu’une importante augmentation de viscosité par rapport aux suspensions ne contenant qu’un seul épaississant présent dans les mêmes proportions (Fig. 2).

Elle est également thixotrope, ce qui se traduit par un regain progressif de la viscosité au repos (Fig. 3). Elle peut en outre former un gel physique (pseudo-gel) après plusieurs heures de repos. Ces gels peuvent être déstructurés à volonté par agitation et se restructurent au repos.

thumbnail Fig. 3.

Rhéogramme de thixotropie de la suspension contenant les deux épaississants.

Thixotropy rheogram of a suspension containing both thickeners.

Ces observations révèlent une synergie entre les deux épaississants, ayant les effets suivants sur la rhéologie :

  • Stabilisation de la suspension contre la décantation et la ségrégation ;

  • Augmentation de la viscosité ;

  • Comportement rhéofluidifiant ;

  • Comportement thixotrope.

Les propriétés rhéologiques mesurées d’une suspension à 0,4 % de A et 6 % de B ont été comparées au modèle d’Ostwald pour des fluides pseudo-plastiques : son comportement est similaire à un pseudo-plastique d’Ostwald pour un indice de consistance K = 10,05 et un indice de comportement n = 0,235.

3.1.1 Essais d’injection

La suspension épaissie à l’aide des deux épaississants a une large plage d’utilisation. En effet, les suspensions ayant 0,4 % de A et 6 % de B ont pu être injectées aisément, sans drainage post-injection et avec un taux de remplissage supérieur à 80 % dans des fissures de 150 à 500 μm. Cette polyvalence est directement liée à la combinaison entre effet rhéofluidifiant et thixotrope : la forte baisse de viscosité engendrée par l’agitation préalable de la suspension épaissie permet l’injection dans des fissures fines, mais le regain de viscosité est suffisamment rapide et important pour assurer le maintien de la suspension dans la fissure une fois l’injection terminée. En revanche, la suspension témoin à base de Methocel, peu rhéofluidifiante et non thixotrope, a une plage d’utilisation d’environ 150 μm avec une tendance prononcée au drainage. Après injection de la suspension épaissie puis séchage du mortier pendant 48 h à 20 °C, on observe à l’intérieur de la fissure du mortier un dépôt formé par la suspension sèche, formant un film ou une croûte selon la largeur de la fissure (Fig. 4).

thumbnail Fig. 4.

Photographie du film formé`a l’intérieur de la fissure d’un mortier après injection puis séchage de la suspension épaissie.

Photography of the film formed inside a crack of a mortar by the thickened suspension after injection and drying.

thumbnail Fig. 5.

A – Photographies des faces intérieures d’une fissure simulée de 400 μm après injection de suspension puis d’eau distillée. B – superposition informatique des deux faces intérieures de la fissure.

A – Photography of the internal faces of a simulated crack after injection of thickened medium, followed by distilled water. B – Simulated superposition of both faces of the crack.

thumbnail Fig. 6.

Suivi de la croissance bactérienne et du pH de la culture de Bacillus pseudofirmus en milieux non épaissi et épaissi.

Bacterial growth and pH of a batch of Bacillus pseudofirmus in non-thickened and thickened cultivation media.

Pour la fissure simulée (400 μm d’ouverture), l’injection de 60 mL d’eau après injection et séchage de la suspension épaissie ne provoque aucun lessivage, l’eau de sortie étant limpide et dépourvue de particules solides. En outre, l’ouverture du dispositif après ce test montre que la quasi-totalité de la surface de la fissure simulée est encore recouverte par le film (Fig. 5). La formation de ce film présente donc un double avantage pour le colmatage des microfissures : (1) il augmente potentiellement la couche de biocicatrisation formée par les bactéries et augmente ainsi l’efficacité du procédé de réparation ; (2) favorise le maintien des bactéries au sein de la microfissure en leur constituant un support d’immobilisation et de nutriments.

3.2 Essais de croissance bactérienne

En présence des deux milieux, la population bactérienne atteint une population maximale de 5 × 109 bactéries.mL-1 au bout de 5 jours d’incubation, qui se maintient durant les 35 jours de l’essai et s’accompagne d’une augmentation progressive du pH. Pour la suspension épaissie, une décroissance progressive de la population bactérienne est observée, sans impact sur la production de carbonate de calcium. Cette décroissance est probablement due au regroupement progressif des bactéries en clusters qui biaise leur dénombrement. L’ajout des épaississants A et B (0,4 % et 6 % respectivement) n’a pas d’influence sur la cinétique de croissance ni sur la taille de la population bactérienne en phase stationnaire (Fig. 6).

Dans toutes les cultures, les bactéries se développent sous forme de cocci, en tétrades isolées ou regroupées en clusters. Ce changement de morphologie est probablement une réponse au stress dû`a l’ajout de nitrate de calcium [21, 22]. Dans la suspension épaissie, les bactéries (points clairs) sont contenues dans des amas d’aspect fibreux (zones grises) et sont très peu présentes hors de ces amas (Fig. 7). Ces structures, observées seulement dans la suspension épaissie, sont formées des épaississants colloïdaux et forment une matrice autour des cellules, ce qui pourrait favoriser la survie et l’activité bactériennes. En effet, des interactions entre bactéries et colloïdes (tels que les argiles) peuvent conduire à des effets positifs sur l’activité bactérienne [23, 24].

thumbnail Fig. 7.

Culture épaissie colorée à l’acridine orange observée au microscope à´epifluorescence, après 8 jours d’incubation.

Epifluorescence micrograph of bacterial broth in thickened medium, after 8 days of cultivation.

thumbnail Fig. 8.

Consommation de lactate et quantité de carbonate de calcium biogénéré après 35 jours de culture dans le milieu d’étude.

Lactate uptake and biogenic calcium carbonate production after 35 days of cultivation in the studied medium.

Après 35 jours d’incubation, la consommation de lactate est de 92% (±8 %) pour le milieu non épaissi et 96 % (±4 %) pour le milieu épaissi (Fig. 8). En outre, une diminution de la surface des pics du gluconate est observable pour les essais menés avec les deux milieux, mais n’est pas quantifiable du fait de pics parasites. Il y a donc eu dans les deux cas une consommation quasiment totale du lactate de calcium par les bactéries, engendrant la précipitation d’une quantité significative de carbonate de calcium. La quantité de carbonate de calcium biogénéré après 35 jours d’incubation est en effet de 1,7 g (±0,02 g) pour 100 mL de culture dans le milieu non épaissi. Elle est équivalente en milieu épaissi, avec une masse de 1,5 g (±0,45 g) pour 100 mL de culture (Fig. 8). 30 à 40 % du calcium initialement présent dans le milieu sont convertis en carbonate de calcium, un taux de conversion proche de ceux obtenus par Ducasse-Lapeyrusse [25] et Ersan et al. [26]. L’ajout des épaississants A et B dans le milieu d’étude n’a donc pas d’effet sur la croissance et l’activité bactériennes, et permet la biominéralisation d’une quantité significative de carbonate de calcium.

4 Conclusion

L’utilisation d’un mélange d’épaississants colloïdaux a permis de formuler une suspension bactérienne épaissie aux propriétés particulièrement intéressantes :

  • Préparation simple par dispersion à froid ;

  • Utilisation de réactifs peu coûteux et non polluants ;

  • Résistance à la décantation et stabilité dans le temps ;

  • Comportement thixotrope et rhéofluidifiant permettant de former des gels physiques;

  • Formation d’un film insoluble dans la fissure ;

  • Pas d’effets néfastes sur la croissance bactérienne.

La suspension a donc un fort potentiel pour réaliser l’exobiocicatrisation de microfissures de 150 à 500 μm à l’échelle pilote, en facilitant non seulement le procédé d’injection des bactéries mais aussi en leur permettant de précipiter des quantités significatives de carbonate de calcium dans la microfissure. Simple à préparer et peu coûteuse, cette suspension peut être utilisable en conditions réelles. Enfin, la structure colloïdale de la suspension peut lui conférer des propriétés similaires aux biofilms, favorisant la survie et l’activité des bactéries dans la fissure. Au-delà de la biocicatrisation, ce type de suspension peut être employé dans des bioprocédés variés nécessitant l’immobilisation de bactéries sur des surfaces ou à l’intérieur d’espaces réduits.

References

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Liste des figures

thumbnail Fig. 1.

De gauche à droite – Vue en coupe du dispositif d’injection placé sur une éprouvette de mortier ; vue de la partie supérieure ; éprouvette fissurée après injection d’une solution colorée.

From left to right – cross-sectional view of the injection device setup on a mortar sample; upper side view; cracked mortar sample after injection of a coloured solution.

Dans le texte
thumbnail Fig. 2.

Rhéogrammes des suspensions contenant les épaississants A et B individuellement et en mélange.

Rheograms of suspensions containing thickeners A and B, separately and mixed.

Dans le texte
thumbnail Fig. 3.

Rhéogramme de thixotropie de la suspension contenant les deux épaississants.

Thixotropy rheogram of a suspension containing both thickeners.

Dans le texte
thumbnail Fig. 4.

Photographie du film formé`a l’intérieur de la fissure d’un mortier après injection puis séchage de la suspension épaissie.

Photography of the film formed inside a crack of a mortar by the thickened suspension after injection and drying.

Dans le texte
thumbnail Fig. 5.

A – Photographies des faces intérieures d’une fissure simulée de 400 μm après injection de suspension puis d’eau distillée. B – superposition informatique des deux faces intérieures de la fissure.

A – Photography of the internal faces of a simulated crack after injection of thickened medium, followed by distilled water. B – Simulated superposition of both faces of the crack.

Dans le texte
thumbnail Fig. 6.

Suivi de la croissance bactérienne et du pH de la culture de Bacillus pseudofirmus en milieux non épaissi et épaissi.

Bacterial growth and pH of a batch of Bacillus pseudofirmus in non-thickened and thickened cultivation media.

Dans le texte
thumbnail Fig. 7.

Culture épaissie colorée à l’acridine orange observée au microscope à´epifluorescence, après 8 jours d’incubation.

Epifluorescence micrograph of bacterial broth in thickened medium, after 8 days of cultivation.

Dans le texte
thumbnail Fig. 8.

Consommation de lactate et quantité de carbonate de calcium biogénéré après 35 jours de culture dans le milieu d’étude.

Lactate uptake and biogenic calcium carbonate production after 35 days of cultivation in the studied medium.

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