Issue |
Matériaux & Techniques
Volume 106, Number 3, 2018
Assemblages Mécaniques / Mechanical Assemblies
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Article Number | 304 | |
Number of page(s) | 7 | |
Section | Comportement en service / Behaviour in service | |
DOI | https://doi.org/10.1051/mattech/2018035 | |
Published online | 23 October 2018 |
Regular Article
Prédire correctement l’effet des chocs thermiques sur l’assemblage corps-couvercle d’un robinet
Predicting correctly the effect of thermal shocks on the body-bonnet assembly of a valve
EDF Lab − Les Renardières, Département matériaux et mécanique des composants,
77818
Orvanne, France
* e-mail: j-f.rit@edf.fr
Reçu :
30
Octobre
2017
Accepté :
22
Juin
2018
Préalablement à leur acquisition, les robinets installés dans les centrales nucléaires font l’objet d’une démonstration de leur aptitude à endurer des chocs thermiques d’une amplitude de 255 C, sollicitation majorante de conditions normales d’exploitation. Afin de mieux cerner la validité de démonstrations fondées sur des simulations numériques, nous confrontons l’essai en vraie grandeur d’un robinet à soupape de diamètre nominal 150 mm avec sa simulation numérique. Cet article est focalisé sur le comportement de l’assemblage boulonné du corps et du couvercle, assurant la fonction d’étanchéité, dite externe du robinet. La campagne d’essai, menée sur la boucle CYTHERE d’EDF, comprend plusieurs chocs alternés, froid puis chaud. Le robinet est équipé de 37 thermocouples distribués sur sa hauteur et dans l’épaisseur des pièces. Les douze goujons du couvercle sont équipés de jauges de déformation destinées à mesurer l’évolution de leur tension. L’essai est modélisé par des simulations multiphysiques du robinet complet en 3D, enchaînant les calculs d’écoulement, des champs de température, puis des champs de déplacement et de contraintes dans le robinet. La confrontation des résultats de calcul avec les mesures montre l’importance de la représentation des échanges thermiques résultant de l’écoulement dans les interstices laissés par les jeux fonctionnels entre les pièces internes situées sous le couvercle. Leur prise en compte est déterminante pour calculer les variations de serrage de l’assemblage lors des chocs thermiques.
Abstract
Prior to their acquisition, valves installed in nuclear power plants must be proof of their ability to endure thermal shocks with an amplitude of 255 C, an upper bound of normal operating conditions. In order to better understand the validity of proofs based on numerical simulations, we confront the full scale test of a valve of nominal diameter 150 mm, with its numerical simulation. This paper is focused on the behavior of the bolted assembly of the body and the bonnet, ensuring the external sealing function of the valve. The test campaign, performed on EDF’s CYTHERE loop, includes several shocks, alternatively cold and hot. The valve is equipped with 37 thermocouples distributed along its height and in the thickness of the parts. The twelve studs of the bonnet are equipped with strain gauges designed to measure the evolution of their tension. The test is modelled by multiphysics simulations of the complete valve in 3D, chaining the calculations of the flow, the temperature fields and the displacement, and stress fields in the valve. The confrontation of the calculation results with the measurements shows the importance of the thermal exchanges resulting from the flow in the interstices left by the functional clearances between the internal parts located under the lid. Their consideration is decisive in calculating the clamping variations of the assembly during thermal shocks.
Mots clés : bride / robinet / tension des vis / choc thermique / étanchéité
Key words: flange / valve / bolt tension / thermal shock / sealing
© EDP Sciences, 2018
1 Introduction
Les exigences sur la robinetterie installée dans les centrales d’EDF sont élevées, en raison des conséquences de la responsabilité de l’exploitant nucléaire, de la durée de vie des appareils et de leur intégration dans des systèmes plus complexes.
La vérification de performances dans les conditions effectives de sollicitation des appareils est obtenue au moyen de l’engagement contractuel des fournisseurs sur des spécifications techniques, la démonstration par calcul, notamment des calculs réglementaires, les essais de qualification et les mesures accessibles en exploitation.
La simulation numérique offre, en plus, la possibilité de multiplier les situations de sollicitation et les variantes de modèles industriels, y compris celles difficiles à reproduire physiquement, notamment pour les appareils de grande taille. Elle permet aussi, en manipulant des modèles plus complexes que les modèles de calcul traditionnels, d’accéder à des grandeurs physiques élémentaires – températures, déplacements, contraintes – plus proches de la mesure.
Les effets de chocs thermiques sur l’étanchéité d’un assemblage à bride boulonnée sont évalués conjointement par des essais et des simulations depuis les années 1990 sur des brides de tuyauterie. Un assez bon accord de l’évolution des efforts dans les goujons a alors été obtenu [1,2]. La démarche de simulation est poursuivie sur la bride d’assemblage corps-chapeau en affinant la modélisation du contact [3]. En 2009, plusieurs itérations de conception d’un robinet à soupape subissant des essais de qualification sont modélisées, y compris la simulation de la dépose du revêtement du siège par soudage [4]. Le coefficient de débit et les déformations du siège sont mesurés ; un bon accord avec les calculs est trouvé pour ces dernières.
Cet article présente la première étude comparative, à notre connaissance, d’essais et de simulations portant sur l’évolution des efforts dans les goujons d’une bride corps-chapeau d’un robinet soumis à des chocs thermiques.
2 Essais de chocs thermiques
2.1 Appareil étudié
L’objet d’étude est un prototype de robinet à soupape en acier inoxydable, de diamètre nominal 150 mm, à siège démontable, de conception VELAN (Fig. 1). La bride d’assemblage du corps avec le couvercle est serrée par douze goujons, chacun à la tension nominale de 250 kN.
De l’eau, chaude ou froide, circule dans la veine fluide du corps. Elle peut s’infiltrer vers le haut à travers les jeux de conception qui permettent notamment l’assemblage et le mouvement des pièces internes, entre le corps et la cage d’une part, la cage et l’obturateur d’autre part. Nous appelons zone d’eau stagnante la région située entre ces espaces interstitiels et les barrières d’étanchéité vers l’extérieur du robinet.
L’environnement immédiat de l’appareil est à température ambiante. Une isolation thermique enveloppe le corps et le couvercle jusqu’au-dessus des goujons.
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Fig. 1 Robinet à soupape étudié, en position de pleine ouverture. Globe valve under study, in fully open position. |
2.2 Conditions d’essai
Les chocs thermiques sont conduits sur la boucle CYTHERE d’EDF Lab Les Renardières dans les conditions d’un essai de qualification. Le robinet, placé sur une cellule d’essai, est soumis à une pression interne d’environ 165 bars et à une circulation d’eau, alternativement à 285 °C ou à 60 °C. Le passage d’une température de circulation à l’autre est contrôlé en amont de la cellule d’essai par un robinet basculant la cellule dans une boucle chaude ou froide, à un débit de 80 m3/h.
La campagne rapportée ici consiste essentiellement en dix chocs alternés. Chaque choc alterné est constitué du passage brutal d’un état stationnaire chaud à 285 °C vers un état stationnaire froid à 60 °C – c’est un choc froid – puis au passage brutal vers un état stationnaire chaud – c’est un choc chaud. La bascule d’une boucle vers l’autre se produit en quelques secondes, mais il faut plusieurs heures à un robinet de cette taille pour atteindre un état thermique apparemment stationnaire.
Le robinet est démonté après le premier, le cinquième et le dixième choc alterné, pour une inspection et des mesures de l’intérieur du corps et des pièces internes, des contrôles de manœuvrabilité et d’étanchéité. Il est remonté avec des joints neufs et le serrage nominal de 250 kN est rétabli.
La campagne comprend en outre quatre chocs supplémentaires à débit plus faibles, destinés à l’étude de l’intérêt d’essais, ou de simulations, en conditions réduites par rapport aux conditions nominales. Ces chocs ne sont pas analysés dans cet article. Une diminution significative de la tension des goujons se produit au fur et à mesure de l’enchaînement des chocs ; l’analyse comparative d’un état initial au serrage nominal ne peut être faite que pour les chocs de numéro d’ordre 1, 2 et 6. Pour simplifier la présentation, nous utiliserons pour la comparaison les résultats expérimentaux du premier choc seulement.
2.3 Instrumentation
Le robinet est équipé, pour les besoins de l’essai, de trente-sept thermocouples distribués sur toute la hauteur. Sept d’entre eux sont placés dans l’épaisseur du corps à proximité de la veine fluide, deux dans la partie basse du corps, quatre dans la partie haute du corps près de la base des goujons, six entre les goujons, alternativement dans le corps et le couvercle et six dans les régions plus hautes, en dehors de la zone calorifugée.
Les douze goujons sont équipés de thermocouples et de jauges de déformation placés vers le milieu du fût de manière à mesurer l’évolution des efforts de tension. Les goujons instrumentés subissent préalablement au montage sur la boucle un vieillissement thermique en tension de plusieurs cycles de 30 °C à 235 °C. Les cycles sont appliqués jusqu’à une stabilisation de la réponse en effort, définie par une variation de moins de 2 % entre deux cycles successifs. Ceci nécessite environ quinze jours. Enfin, la réponse en effort de chaque goujon est calibrée sous presse à plusieurs températures couvrant l’intervalle susmentionné.
L’incertitude des mesures calculée pour un facteur d’élargissement de 2 est de ± 3 °C pour les températures et ± 5 kN pour les efforts.
3 Simulations numériques
Le modèle est construit dans le demi-espace délimité par le plan de symétrie du robinet, symétrie respectée par les chargements. Il inclue environ 1,6 m de tuyauterie en amont et en aval de l’appareil. Un choc alterné, un choc froid suivi d’un choc chaud, est simulé sur l’appareil dont l’obturateur est placé en position haute, à pleine ouverture.
Les simulations sont réalisées avec des logiciels publiés en accès libre par EDF ; Code_Saturne [5] pour la mécanique des fluides et Code_Aster [6] pour la thermique et la mécanique du solide.
3.1 Deux cas de figure
Deux alternatives de simulation sont présentées dans la suite. La première est élaborée avant la campagne d’essai, la seconde, au vu de résultats d’essai, modifie le modèle de calcul dans le but d’obtenir un meilleur accord avec les observations.
Trois modifications sont apportées dans la seconde simulation :
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des conditions d’échange thermique convectif plus fort sont ajoutées au niveau des jeux entre la cage et le corps, d’une part, la cage et l’obturateur d’autre part ;
-
la conductivité thermique de l’eau dite stagnante est artificiellement augmentée pour rendre compte de mouvements convectifs faibles ;
-
le maillage des goujons pour le calcul thermique est raffiné.
3.2 Enchaînement des calculs
Chaque simulation enchaîne la résolution des trois problèmes : écoulement de l’eau dans l’appareil, puis conduction thermique dans les pièces du robinet et effets mécaniques des dilatations d’origine thermique. Nous faisons ainsi l’hypothèse que les phénomènes de couplage bilatéraux entre les phénomènes sont négligeables.
Le calcul d’écoulement pose comme constantes le débit et les températures de l’eau à l’amont et en paroi pour chacun des cas chaud et froid. Il en résulte deux champs de coefficient d’échange thermique à la frontière du domaine (Fig. 2). Ces champs définissent des conditions limites du calcul thermique pour le choc froid et le choc chaud, calcul dont le résultat est, en fonction du temps, un champ de température dans le robinet. Pour finir, il résulte du calcul mécanique l’évolution des contraintes et déformations induites par les dilatations d’origine thermique.
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Fig. 2 Champs de coefficient d’échange thermique (W/m2K). Fields of heat transfer coefficients (W/m2K). |
3.3 Mécanique des fluides
Deux calculs d’écoulement sont résolus ; l’un pour trouver le champ de coefficient d’échange thermique en paroi lors d’un choc froid, l’autre lors d’un choc chaud. Pour le choc froid, la température du fluide en entrée vaut Tfluide = 60 °C, la température en paroi vaut Tparoi = 285 °C ; les valeurs sont permutées pour le choc chaud.
Le modèle de turbulence utilise le modèle ≪ K-ɛ linear production » [7], les propriétés du fluide (densité, viscosité, capacité et conductivité thermique) sont dépendantes de la température. Le domaine du fluide est maillé en tétraèdres avec une couche de prismes en paroi ; il contient 750 000 éléments volumiques.
Les calculs sont instationnaires et s’arrêtent lorsqu’un état quasi-stationnaire est atteint, au bout de 4 secondes de temps physique, ce qui nécessite une dizaine d’heures de calcul sur 144 cœurs.
Le champ de coefficient d’échange hfluide est déduit du flux de chaleur calculé en paroi :
3.4 Thermique
3.4.1 Modélisation commune
Le calcul thermique résout l’équation de la chaleur avec des propriétés de matériaux dépendant de la température. Chaque choc est simulé avec une durée de temps physique de vingt mille secondes. La conductivité thermique est supposée parfaite entre les pièces en contact.
Le maillage du calcul thermique est constitué d’un unique domaine connexe d’environ trois millions de tétraèdres et six cent mille nœuds. Il est raffiné aux parois en contact avec la veine fluide où les échanges sont importants. Le choc alterné est décomposé en 370 pas de temps, allant de 0,1 s au début de chaque choc à dix minutes à la fin.
Les propriétés des aciers sont tirées des valeurs de référence publiées dans le code RCC-M [8]. Celles des matériaux de revêtement sont tirées de travaux de thèse [9]. L’eau stagnante est représentée par une pièce solide au contact des autres. Dans la première simulation, on lui affecte des propriétés thermiques de l’eau immobile [10] ; dans la seconde simulation on multiplie la conductivité thermique par 10 000 pour tenir compte des mouvements convectifs.
Les conditions d’échange convectif sont définies sur la surface délimitant le domaine thermique au moyen d’un coefficient d’échange h et d’une température Text. Sur la face enveloppée de calorifuge, on donne à h une faible valeur h = 0,1 W/m2K et une valeur de température ambiante Text. = 20 °C. Sur les parties hautes en contact direct avec l’air ambiant, on pose h = 8 W/m2K et Text. = 20 °C. Enfin, sur les surfaces au contact de la veine fluide, on reprend les champs de coefficient d’échange calculés précédemment et une température externe égale au profil temporel de la température du fluide mesurée en entrée de la cellule d’essai. Cette température varie donc entre 60 °C et 285 °C avec une variation d’environ 200 °C dans les 10 premières secondes du choc.
3.4.2 Prise en compte des jeux
Dans la première simulation, les jeux entre les pièces sont nuls pour le calcul thermique : les contacts thermiques sont parfaits.
Dans la seconde simulation, des conditions d’échanges supplémentaires sont appliquées sur les surfaces des jeux en vis-à-vis de la cage : d’une part avec le corps, d’autre part avec l’obturateur (Fig. 1). Ces zones sont trop minces par rapport aux dimensions de la veine fluide pour être calculées dans la même simulation d’écoulement. Le coefficient d’échange approprié est donc évalué séparément, par un modèle analytique de l’écoulement dans ces interstices.
L’ordre de grandeur des jeux, de quelques centièmes de millimètre étant très inférieur aux autres dimensions des pièces en vis-à-vis, on se place dans le cadre d’un écoulement entre deux plans infinis. Par conséquent, le nombre de Nusselt de l’écoulement est constant et indépendant de la vitesse du fluide [11] ; sa valeur est en l’occurrence Nu = 7,6. La valeur du coefficient d’échange est déduite de la définition du nombre de Nusselt, h = Nu k/L où k est la conductivité thermique de l’eau et L la valeur du jeu. Compte tenu des différentes valeurs de jeu et de conductivité selon la température, pour le choc froid, le coefficient d’échange vaut environ 30 000 W/m2K entre le corps et la cage et environ 20 000 W/m2K entre la cage et l’obturateur, alors que les coefficients du choc chaud sont diminués d’environ 10 %. Ces nouvelles valeurs sont comparables aux niveaux d’échange calculés dans la veine fluide principale (Fig. 2). La température externe est toujours prise égale à celle de la veine fluide.
La différence entre les modèles n’a pas de conséquence sur les performances du calcul qui prend environ 2 heures sur huit processeurs.
3.5 Mécanique des solides
Avant de simuler les conséquences mécaniques des chocs thermiques, l’état de l’assemblage doit être calculé. Cela inclue la mise en tension à température ambiante des goujons de la bride, la mise en pression à 165 bars et la montée en température à 285 °C du fluide interne jusqu’à un état thermique stationnaire préalable au choc froid. Les champs de température résultant des chocs sont ensuite appliqués en sus.
3.5.1 Discrétisations
Les pièces du robinet sont maillées séparément, en éléments hexaédriques autant que possible. Ce choix est gouverné par la modélisation des liaisons internes de l’assemblage. Il permet de sélectionner plus librement la nature des liaisons dans le modèle et, dans le cas du contact unilatéral, de limiter le nombre de nœuds des surfaces concernées, ce qui est un paramètre critique de la performance du calcul. Seul le corps est maillé en éléments tétraédriques en raison de la complexité de sa forme. L’ensemble comprend trois cent mille tétraèdres, deux cent mille hexaèdres et trois cent mille nœuds.
Les pas de temps sont adaptés empiriquement de manière à obtenir une évolution régulière des tensions calculées qui sont ici la grandeur d’intérêt. Le choc alterné est découpé en environ cent cinquante pas de temps, allant de 0,25 s au début de chaque choc à 2500 s vers la fin.
3.5.2 Propriétés des matériaux
Tous les matériaux sont considérés comme élastiques et isotropes. Les modules de Young, les coefficients de Poisson et de dilatation thermique des matériaux métalliques dépendent de la température. Les propriétés des aciers sont tirées des valeurs de référence publiées dans le code RCC-M [8]. Celles des matériaux de revêtement sont tirées de travaux de thèse [9].
Le joint d’étanchéité de la bride est en graphite armé. Ses propriétés mécaniques sont définies d’après les mesures d’un essai de compression. Elles sont ajustées pour représenter un comportement linéaire du joint dans sa gorge, au voisinage du point de fonctionnement de la bride serrée, où le corps et le couvercle sont en contact. Cette hypothèse est justifiée par un faible décollement attendu de la bride et un petit nombre de cycles de serrage. Ceci résulte en un module de Young de 800 MPa et un coefficient de Poisson de 0,39 à température ambiante. En l’absence d’essai sur le joint à d’autres températures, ces valeurs sont admises pour l’entièreté du choc. Seul le coefficient de Poisson à 265 °C est abaissé à 0,36 pour tenir compte de la dilatation de la gorge.
3.5.3 Liaisons mécaniques et contact
Le poids de l’actionneur, extérieur au modèle, est pris en compte par l’application de deux efforts d’environ 1200 N et 3300 N dans la direction de la pesanteur. Ils sont appliqués sur des nœuds de la face supérieure du maillage, distants de 35 cm. Le moment dû à l’excentrement du moteur est ainsi représenté, partiellement, compte tenu du choix de symétrie du modèle.
Une pression interne de 16,5 MPa est appliquée sur toutes les faces intérieures à l’enceinte étanche et l’effet de fond correspondant est appliqué sur les extrémités des tuyauteries.
Chaque goujon est soumis à la tension nominale de 250 kN à température ambiante. La dispersion maximale des tensions mesurées lors du serrage initial est d’environ ± 20 kN et varie peu durant les chocs. Elle n’est pas prise en compte dans le modèle. Un déplacement, relatif par rapport à son écrou, est imposé à chaque goujon sur la section du premier filet de tête. Il est ajusté de manière à obtenir la tension nominale et maintenu pendant le choc.
Quarante-sept couples de surfaces sont en contact dans l’assemblage. Onze d’entre eux sont effectivement modélisés par un contact unilatéral, sans frottement, permettant le décollement, notamment entre le couvercle, le corps, le joint et les écrous. Les autres couples de pièces en contact sont liés par une formulation moins coûteuse qui ne permet que le glissement des surfaces, la pertinence de l’hypothèse d’absence de décollement est évaluée a posteriori par l’absence de contraintes en traction sur ces surfaces.
Le système linéaire finalement résolu comprend un million d’équations, portant, notamment sur cinq mille nœuds de contact. Le calcul du choc alterné prend environ sept heures sur douze processeurs réclamant chacun une dizaine de gigaoctets de mémoire.
4 Comparaison des résultats d’essais et des simulations
La comparaison des résultats est centrée sur l’assemblage du corps et du couvercle, en particulier sur le niveau de tension des goujons, critique pour le maintien de l’étanchéité de la bride.
4.1 Températures
L’évolution de la température étant similaire de goujon en goujon, il est suffisant d’interpréter la moyenne prise sur tous les goujons. La figure 3 présente les graphes de l’évolution de température mesurée et calculée pour chacune des simulations lors d’un choc chaud et lors d’un choc froid. Dans tous les cas, le front de température atteint les goujons environ cinq minutes après le déclenchement du choc. Ces derniers retrouvent un état de température stationnaire après environ 4 heures.
L’accord des calculs avec les mesures est assez bon. La première simulation prédit une évolution un peu plus lente et la seconde une évolution un peu plus rapide. Ceci peut être expliqué par l’introduction de la condition limite et l’augmentation de la conductivité de l’eau dans le deuxième modèle qui favorisent le transfert de chaleur vers la bride. Ces différences expliquent également les valeurs de température à l’état stationnaire chaud, préliminaire du choc froid : la seconde simulation prédit une température plus élevée.
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Fig. 3 Évolution de la température au centre des goujons. Temperature trajectories amid the studs. |
4.2 Tension des goujons
Comme pour les températures, les tensions dans les goujons sont similaires, même si les valeurs mesurées présentent une dispersion initiale significative. Nous présentons donc sur la figure 4 une comparaison des moyennes prises sur les goujons.
On observe, lors de l’essai de choc froid, un détensionnement initial des goujons de 250 à 200 kN, valeur atteinte à l’état initial stationnaire chaud. Dans cet état, la température est uniforme dans la bride et les goujons, le détensionnement peut être expliqué par la différence des coefficients de dilatation entre l’acier de boulonnerie et l’acier du couvercle qui se dilate moins.
De plus, toujours sur les résultats d’essai, on observe une baisse passagère de la tension allant jusqu’à 50 kN après quatre minutes de choc froid. À l’inverse, lors du choc chaud, on observe une augmentation de tension d’environ 20 kN après huit minutes.
Ces variations passagères ne sont pas prédites par la première simulation, mais elles le sont par la seconde avec des valeurs comparables : une baisse de tension de 30 kN après cinq minutes de choc froid et une augmentation de 55 kN après quatre minutes. La seule différence significative entre les deux simulations résidant dans le modèle thermique, on en déduit que le second est plus correct que le premier. On peut corroborer cette conclusion par l’analyse suivante du champ de températures calculé dans la bride.
La figure 5 montre ce champ calculé par chacune des simulations vers l’instant du minimum de tension du choc froid dans la seconde simulation (t = 350 s). La gauche de chaque image est coupée par le plan de symétrie du robinet, qui passe entre les goujons, la droite de chaque image est coupée par un plan passant par l’axe d’un goujon. Les deux résultats calculés diffèrent essentiellement dans la zone de la bride. Dans la première simulation, les lignes d’égales températures sont à peu près horizontales, le front de température passe du bas vers le haut des goujons. Dans la seconde simulation, les lignes d’égale température sont plus verticales : le front du choc passe de l’axe central du robinet vers l’extérieur.
La figure 6 détaille la section de la bride à travers un goujon, soulignée par ailleurs par un rectangle noir sur la figure 5. Il y est montré que le goujon est directement en contact avec le corps à travers le filetage de sa base, alors qu’il n’a pas de contact direct avec le couvercle. Par conséquent, si le front de chaleur vient du bas (corps et cage), il passe simultanément à travers le goujon et le couvercle. En revanche, s’il vient de l’axe central, depuis le jeu corps-cage et l’eau stagnante, il atteint le couvercle avant le goujon. Les dilatations thermiques de l’un et de l’autre sont différées, ce qui produit une baisse de la tension des goujons pour un choc froid et une augmentation pour un choc chaud.
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Fig. 4 Évolution de la tension dans les goujons. Stud tensions trajectories. |
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Fig. 5 Températures lors d’un choc froid, calculées au moment de tension minimale. Temperature fields in a cold shock, at the time of minimal stud tension. |
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Fig. 6 Section de bride par l’axe d’un goujon. Section of the body bonnet assembly, taken through a stud. |
5 Conclusion
Une campagne d’essais de chocs thermiques est menée sur un robinet à soupape. L’appareil est équipé de plusieurs thermocouples et de jauges de déformation destinées à mesurer la variation de tension des goujons de la bride d’assemblage du corps avec le couvercle.
Parallèlement, ces essais sont simulés par deux variantes de simulations enchaînant calculs d’écoulement, de thermique et mécanique du solide. La seconde tente de corriger la première, au vu des résultats d’essais, en modifiant les conditions d’échange thermique autour de pièces séparées par des jeux d’assemblage et des volumes d’eau considérée comme stagnante. Cette différence permet de retrouver, dans les résultats de la seconde simulation, la variation de tension des goujons, observée quelques minutes après le déclenchement des chocs. Un modèle analytique simplifié de l’écoulement dans l’espace interstitiel des jeux d’assemblage justifie le niveau relativement élevé des échanges thermiques convectifs dans cette zone.
D’autres résultats de cette campagne restent à exploiter. En particulier on observe un desserrage progressif des goujons de choc en choc. Les simulations présentées ne peuvent rendre compte d’un tel comportement car les modèles utilisés sont réversibles par rapport aux chargements. L’introduction de lois de plasticité dans les calculs de mécanique nous permettra de tenter d’expliquer ce phénomène et de comparer les calculs de déformations résiduelles du corps avec les mesures.
Références
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Citation de l’article : Jean-François Rit, Sébastien Meunier, Jerôme Ferrari, David Hersant, Jean-Philippe Mathieu, Prédire correctement l’effet des chocs thermiques sur l’assemblage corps-couvercle d’un robinet, Matériaux & Techniques 106, 304 (2018)
Liste des figures
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Fig. 1 Robinet à soupape étudié, en position de pleine ouverture. Globe valve under study, in fully open position. |
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Fig. 2 Champs de coefficient d’échange thermique (W/m2K). Fields of heat transfer coefficients (W/m2K). |
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Fig. 3 Évolution de la température au centre des goujons. Temperature trajectories amid the studs. |
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Fig. 4 Évolution de la tension dans les goujons. Stud tensions trajectories. |
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Fig. 5 Températures lors d’un choc froid, calculées au moment de tension minimale. Temperature fields in a cold shock, at the time of minimal stud tension. |
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Fig. 6 Section de bride par l’axe d’un goujon. Section of the body bonnet assembly, taken through a stud. |
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